l'absurdité ou le chemin du désir
Envie d'écrire le beau silence. Le beau silence blanc. Envie d'écrire le bout de bâton que je mets dans la fournaise – ce n'est pas désir inconscient mais désir réprimé – envie de parler, de mettre ma voix dans le silence de l'écoute, de caresser de mes yeux la beauté du visage. Envie de capter le regard, d'attirer le corps. J'ai envie d'être admiré comme j'admire. Je n'ai pas envie de me battre. Je ne crois pas à la guerre – comme solution à quoi que ce soit – je n'aime pas perdre – perdre mon amour. Je n'aime que parler, que chanter, comme l'enfant découvrant le monde. Un enfant que je ne pouvais pas toujours être, car j'étais contré, contrarié, contraint. J'étais limité. J'imagine bien que l'enfant pourrait être accueilli par la douceur, par l'émerveillement – cela ne dure pas car il faut qu'il s'insère dans le monde de ses aînés. J'ai envie d'écrire mais je n'ai pas besoin d'écrire. J'ai besoin de parler – te dire une impression, une intention, une situation. J'ai besoin de parler et je me garde de la folie de parler. Je veux en faire une parole sage. Pourtant j'ai besoin de délirer. Et je sais que cela ne mènerait à rien, qu'on ne m'écouterait pas. Me faut-il dire que ce qu'on attend que je dise ? Est-ce ainsi que je module, modèle ma parole... nous sommes dans un seul et même appareil mimétique où chacun attend de l'autre ce qui lui permettra de surenchérir. D'en chérir sur.
Cette écriture est le déballage de la rêverie. Je voudrais qu'elle ne soit pas inerte mais vivante, à la manière des poissons, animaux, fleurs, rivières, plantes, insectes, nuages, vapeur, chaleur, lumière, qu'elle se balade, investisse les maisons, les esprits, les corps et les cœurs.
L'écriture est un délire collectif, délire mimétique, construction et déconstruction, c'est un grand jeu, comme le football. Comme la peinture débordante de Nicolas de Staël. Sa pâte rouge, bleue, blanche ou noire. Il ne faut rien dire devant elle, elle parle, tout d'un coup notre corps la reçoit, comblé d'une langue subitement apprise. Ainsi nous connaissons la langue des peintres, comme la langue des oiseaux, celle des ruisseaux ou de la nuit.
L'abstraction
elle sort du tube de la vie pressée de toutes parts
comme la lumière crie de l'instrument de John Coltrane
elle porte les couleurs des rêves et des paroles étranglées
des bonheurs et des obscurités
des ab surdités.